De la recherche...
aux médicaments
Quelle que soit la maladie, les études qui ont pour but de produire de nouveaux traitements impliquent plusieurs domaines de recherche qui vont se succéder séquentiellement.
De la recherche fondamentale, où les chercheurs posent des hypothèses pour aboutir à des concepts, à la recherche translationnelle où ces concepts sont appliqués à la maladie, jusqu’à la recherche clinique où de nouveaux médicaments sont testés chez l’homme (essais cliniques), après une phase de recherche pré-clinique qui vise à les étudier chez l’animal, les étapes sont multiples.
Les étapes de la
recherche clinique
Strictement encadré par la loi, l’essai clinique est une étape décisive dans le développement de nouveaux médicaments.
C’est une étude scientifique qui va permettre d’évaluer de nouveaux médicaments, de nouveaux schémas thérapeutiques, de nouvelles associations de traitements… Elle vise essentiellement à tester l’efficacité et la tolérance des traitements.
Les trois phases (I, II et III) de recherche clinique de développement d’un médicament permettent d’évaluer l’efficacité et la sécurité d’un candidat médicament en répondant à une série de questions concernant la tolérance, l’efficacité, la dose à administrer et les effets secondaires. A terme, les essais cliniques aboutissent à l’Autorisation de Mise sur le Marché d’un médicament (AMM)
Le choix de participer à un essai clinique appartient au seul patient mais l’AFH a édité un guide pour apporter une information la plus complète possible sur ce qu’est un essai clinique, les bénéfices et les risques qu’ils présentent ainsi que le cadre légal dans lequel ils se déroulent.
Pour aller plus loin :
Les traitements de
l’hémophilie A et de l’hémophilie B
Actuellement, il existe 3 grands types de traitements
1. Thérapie avec facteurs de remplacements
L’objectif est de traiter le patient en remplaçant le facteur de coagulation absent ou diminué responsable de la maladie, FVIII ou FIX.
Les principales limites de cette thérapie sont :
- la courte durée d’action de ces facteurs de remplacement dans l’organisme un fois injecté
- le fait qu’ils doivent être apportés par injection voie intraveineuse
- le fait que dans le cas de l’hémophilie A environ 30% des patients développent un anticorps contre le FVIII injecté (inhibiteur) qui rend le traitement inefficace son coût.
Ces dernières années, pour traiter l’hémophilie, des nouvelles molécules, ayant une durée d’action prolongée par rapport aux molécules standard, ont vu le jour dont certaines sont accessibles en France.
L'amélioration de la durée de l'activité est plus sensible pour le facteur IX (hémophilie B) que pour le facteur VIII (hémophilie A) car le mécanisme d’élimination du facteur VIII est dépendant d’une autre protéine, le facteur Willebrand avec laquelle il circule sous forme de complexe.
Un facteur VIII recombinant « Ultra long » de structure complexifiée pour allonger son efficacité devrait être prochainement disponible en France. Sa durée d’action est plus longue que celles des facteurs VIII jusqu’ici disponibles. Les résultats des études cliniques montrent des résultats intéressants sur la durée de vie de cette molécule et sur la couverture des accidents hémorragiques à tout âge. Il est administré avec une fréquence d’une injection intraveineuse par semaine.
2. Thérapie sans facteurs de remplacement
Si la limitation sur la durée d’action des traitements a pu être partiellement améliorée, restait la contrainte du mode d’injection et de la faible efficacité du traitement des patients hémophiles avec inhibiteurs.
Pour ce faire, des nouvelles stratégies thérapeutiques de l’hémophilie ont vu le jour.
La première s’adresse à l’hémophilie A. C’est une thérapie de substitution où le FVIII est remplacé par un analogue qui va mimer son action.
Cette approche permet de traiter les patients avec inhibiteurs car ils ne sont plus en présence du FVIII qui déclenchait l’apparition des anticorps. Dans la mesure où ce produit prend la place du FVIII, il peut aussi traiter les patients sans inhibiteurs.
De plus, cette nouvelle molécule a une durée d’action de plusieurs semaines et peut être injectée en sous-cutanée, levant ainsi les limites des thérapies de remplacement.
La deuxième stratégie est applicable pour le traitement de l’hémophilie A et l’hémophilie B pour les patients avec et sans inhibiteurs. Elle vise à limiter et à contrôler l’action des inhibiteurs des anticoagulants naturels de la coagulation pour rétablir une fonction coagulante normale.
Là encore, ces molécules ont une durée d’action allongée et sont administrées en sous-cutanée.
3. Thérapie génique
La thérapie génique d’une maladie génétique consiste à apporter au patient le gène sain afin de compenser l’inactivité de son gène malade et d’apporter, de façon durable, le facteur manquant. Ce gène sain peut alors s’exprimer en fabriquant la protéine pour laquelle il est codé, ici en l’occurrence les facteurs VIII ou IX.
Cet apport du gène sain se fait à l’aide d’un vecteur (virus inactivé le plus souvent) qui sert de transporteur et pénètre à l’intérieur de la cellule.
En 2025, trois molécules ont obtenu leur AMM, une pour l’hémophilie A et deux pour l’hémophilie B.
Le principal résultat positif de cette thérapie génique est qu’elle permet d’obtenir l'expression des facteurs VIII ou IX évitant la prophylaxie régulière pour un grand nombre de patients traités.
Cependant, ce traitement présente des limitations :
- Non accessible à tous les patients (enfants, antécédents d'inhibiteurs, anticorps anti-AAV).
- Variabilité interindividuelle de l'expression du gène, dont les mécanismes sont encore inconnus.
- Impossibilité de retraitement en cas d’échec.
- Risques hépatiques à court terme et éventuels risques tumoraux à long terme.
- Durée d'expression du gène incertaine.
On observe des différences spécifiques entre les résultats des traitements pour l’hémophilie A et B.
L'arrivée de trois molécules constitue une étape importante pour l’avancée des traitements de l’hémophilie, mais, malgré son potentiel prometteur, la thérapie génique reste confrontée à des obstacles et des inconnues qui nécessitent des recherches et des précautions supplémentaires, notamment un suivi à long terme.
Traitement des autres
maladies hémorragiques constitutionnelles
Troubles rares de la coagulation
Les traitements sont basés sur le remplacement du facteur de coagulation absent ou diminué, responsable de la maladie par l’apport des Facteurs V, VII, X, XIII ou du fibrinogène.
Alors que l’arsenal des médicaments proposés ne cesse d’évoluer pour l’hémophilie, des essais cliniques multiples sont en cours dans les autres maladies hémorragiques rares. Il n’y a pas à ce jour d’extension d’indication ou de nouvelle molécule inscrite à l’ordre du jour des évaluateurs en santé.
L’AFH plaide pour que les stratégies de Recherche s’orientent vers les autres maladies hémorragiques rares afin de pouvoir apporter de réelles réponses à des situations de santé parfois sans option.
Maladie de Willebrand
Les traitements sont basés sur l’apport de Facteur Willebrand d’origine plasmatique ou recombinante, protéine dont l’absence ou la diminution est responsable de la maladie.
Différentes pistes de recherche sont en cours pour traiter spécifiquement les types et sous-types de Maladie de Willebrand (Type III, Type II variants 2A, 2B, 2N, 2M). Certaines molécules sont au stade d’essais cliniques qui montrent des résultats encourageants bien que moins avancés que dans l’hémophilie.
Il n’est pas possible d’avoir de prévision sur une arrivée éventuelle de ces traitements à ce stade.
Le soutien financier
de l’AFH à la recherche
L’AFH soutient actuellement 2 projets de recherche
Le Projet « VIDEOBLEED »
Ce projet a pour objectif le développement d’un outil diagnostique pour la maladie de Willebrand basé sur l’utilisation d’un nouveau type de matériel, un vidéo microscope. Il permet d’étudier les angiodysplasies (anomalies des vaisseaux) dans la maladie de Willebrand par une méthode non invasive.
Il est mené par le Dr Antoine RAUCH, Inserm U1011, CHU de Lille
Le montant de la subvention attribuée par l’AFH est de 50.000€
L’inclusion des patients atteints de la maladie de Willebrand a commencé en février 2024.
Les résultats préliminaires montrent une densité capillaire significativement plus basse chez les patients atteints de la maladie de Willebrand par rapport aux sujets sains ainsi qu’une fréquence des hémorragies extra-capillaires plus élevée chez les patients atteints de la maladie de Willebrand comparé aux sujets sains.
Ces travaux vont être poursuivis pour approfondir ces premiers résultats
Le Projet « ARTHROPATHIE HÉMOPHILIQUE »
Ce projet porte sur l’utilisation de cellules souches mésenchymateuses pour réparer les lésions articulaires dans l’arthropathie hémophilique. Son objectif est d’évaluer l'intérêt d'une thérapie à base de ces cellules sur des modèles d'arthropathies hémophiliques.
Il est mené par le Dr Danièle NOEL, Inserm UMR1183, Institut de Médecine Régénératrice et de Biothérapies, Montpellier
Le montant de la subvention attribuée par l’AFH a été de 30.000€ en 2021 et une nouvelle subvention de 40.000€ a été accordée en septembre 2024 pour la poursuite de ce projet.
Dans un premier temps, l’équipe a mis en place et validé un nouveau modèle d’hémarthroses in vitro reproduisant les principales caractéristiques de l’hémarthrose sur les chondrocytes (cellules du cartilage) humains, à savoir leur mort par apoptose et l’augmentation de leur activité inflammatoire et de dégradation du cartilage.
Dans une deuxième étape, il a été testé la capacité des cellules souches mésenchymateuses (CSM) à freiner, voire bloquer l’effet délétère d’une exposition au sang. Les résultats obtenus ont permis d’évaluer l’effet thérapeutique des CSM dans l’arthropathie hémophilique et de confirmer l’intérêt thérapeutique des CSM en protégeant les chondrocytes et la matrice du cartilage des altérations et dégradations liées à l’exposition au sang dans un modèle de souris. Ils suggèrent que les CSM ont un effet protecteur grâce à la sécrétion de molécules solubles qui pourraient être contenus dans des vésicules. L’étape suivante a consisté à évaluer si les vésicules extracellulaires produites par ces cellules peuvent reproduire l’effet bénéfique de leurs cellules parentales. Ainsi, les effets thérapeutiques des CSM pourraient être reproduits en utilisant les vésicules extracellulaires (vésicules d’environ 1/10.000ème de mm) riches en facteurs solubles et produites en grand nombre dans leur environnement par les CSM.
Les résultats obtenus par cette équipe pendant ces 2 dernières années sont très prometteurs.
Ils ont fait l’objet d’une thèse de Science et de la publication d’un article dans une bonne revue scientifique*. Une prochaine est à venir. La présentation de ces résultats dans des congrès de rhumatologie ont permis de montrer l’intérêt du sujet de l’arthropathie hémophilique et ont contribué à faire connaitre cette pathologie.
*Théron, Alexandre; Maumus, Marie; Bony-Garayt, Claire; Sirvent, Nicolas; Biron-Andreani, Christine; Jorgensen, Christian; Noël, Danièle. Mesenchymal Stromal Cells Prevent Blood-induced Degeneration of Chondrocytes in a New Model of Murine Hemarthrosis. HemaSphere 7(7):p e924, July 2023.